Définition
« La formation professionnelle tout au long de la vie constitue une obligation nationale. Elle vise à permettre à chaque personne, indépendamment de son statut, d’acquérir et d’actualiser des connaissances et des compétences favorisant son évolution professionnelle, ainsi que de progresser d’au moins un niveau de qualification au cours de sa vie professionnelle. Une stratégie nationale coordonnée est définie et mise en œuvre par l’État, les régions et les partenaires sociaux. Elle comporte une formation initiale, comprenant notamment l’apprentissage, et des formations ultérieures, qui constituent la formation professionnelle continue, destinées aux adultes et aux jeunes déjà engagés dans la vie active ou qui s’y engagent. En outre, toute personne engagée dans la vie active est en droit de faire valider les acquis de son expérience, notamment professionnelle ou liée à l’exercice de responsabilités syndicales. », C. trav., art. L. 6111-1.
Sources
Le droit de la formation est ancré dans plusieurs droits sociaux fondamentaux affirmés par le Préambule de la Constitution de 1946, notamment :
– « le droit au travail et à l’emploi », auquel est rattachable le droit à la qualification ;
– « le droit de participer à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises », auquel sont rattachables la compétence du comité social et économique (CSE), ainsi que le droit des salariés à la négociation collective pouvant avoir pour objet la formation professionnelle ainsi que les garanties sociales ;
– le principe « d’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture » auquel est rattachable le compte personnel de formation (CPF) ouvert à 40 millions d’actifs indépendamment de leur statut.
Au niveau international, la France est liée par la convention de l’OIT n° 140 relative au congé éducation payé et n° 142 de 1975 sur la mise en valeur des ressources humaines ainsi que par des recommandations ayant le même objet. Le droit européen, distingue l’éducation qui relève de la compétence des États membres, de la formation professionnelle pour laquelle est mise en œuvre une politique qui appuie et complète les actions des États membres, dans le respect de leur compétence.
Il faut souligner une spécificité des sources du droit français de la formation professionnelle continue que traduit la formule de « la loi négociée ». La loi « Delors » du 16 juillet 1971 s’est largement appuyée sur un accord national interprofessionnel du 11 juillet 1970. Les réformes successives qui sont intervenues dans ce domaine reposent, à quelques exceptions près, sur la même méthode, inscrite au fronton du Code du travail par la loi du 31 janvier 2007 de modernisation du dialogue social. La négociation collective au niveau national et interprofessionnel est ensuite relayée par la négociation au niveau des branches professionnelles sur « les objectifs, les moyens et les priorités de la formation de la branche (C. trav., art. L. 2241-14). La négociation collective d’entreprise qui est également possible sur le thème de la formation professionnelle, est caractérise, quant à elle, par son atonie (voir le bilan annuel de la négociation collective publié par le Ministère du Travail).
Les juges des divers ordres de juridiction ont apporté pour leur part une contribution significative à la structuration du corpus juridique de la formation professionnelle. À titre d’illustration citons un arrêt du Tribunal des conflits de 1986 qui précise que le principe d’obligation nationale auquel la loi rattache la formation professionnelle continue, ne doit pas être confondu avec celui de service public (D. Broussolle, « La formation continue ne serait pas un service public », Droit social 1987, p. 50). Un avis du conseil national de la concurrence n°08-A-10 du 18 juin 2008 va dans le même sens. Le Conseil constitutionnel ainsi que le Conseil d’État ont eu l’occasion de préciser que la contribution des entreprises au financement de la formation professionnelle, devait être qualifiée de contribution fiscale de toute nature et non de cotisation sociale (C. Puydebois, « La régulation du système de formation professionnelle », Droit social 2018, p. 965). La Cour de cassation a rappelé à plusieurs reprises qu’en vertu du principe de bonne foi contractuelle, l’employeur était tenu par des obligations de formation envers ses salariés (Ph. Piccoli, « La contribution des juges à l’élaboration du droit de la formation professionnelle », Droit social 2018, p. 1027).
Cadre institutionnel
« L’obligation nationale » dont relève la formation professionnelle continue est mise en œuvre par une grande diversité d’acteurs : l’État et les régions, les partenaires sociaux, les entreprises, les prestataires de services de formation et de services associés d’information de conseil et d’orientation professionnelle, les certificateurs publics et privés, ainsi que les apprenants eux-mêmes appelés à être des acteurs de leur projet professionnel. Les réformes successives du système de formation professionnelle intervenues depuis la loi fondatrice de 1971 ont toutes eu à se préoccuper de la coordination entre les multiples acteurs concernés par la mise en œuvre de cette « obligation nationale ».
Le droit positif issu de la loi du 5 septembre 2018 relative à la liberté de choisir son avenir professionnel se caractérise par une réaffirmation du rôle de l’État, notamment à travers la création d’un établissement public administratif, France compétences, en charge de la régulation du système de formation professionnelle. La contribution financière des entreprises est désormais collectée par l’Urssaf et réaffectée par France compétences à l’apprentissage et à la formation professionnelle continue. La gestion du CPF est assurée par un autre établissement public, la Caisse des dépôts et consignations. Les anciens fonds d’assurance formation puis OPCA sont transformés en opérateurs de compétences (OPCO) gérés par les partenaires sociaux sous le contrôle étroit des pouvoirs publics. Aux régions revient un rôle de « chef de file » pour mettre en œuvre au niveau de leur territoire la politique publique de formation professionnelle continue. Elles sont par ailleurs gestionnaires du service public d’orientation professionnelle.
Les prestataires de services qui interviennent dans ce champ connaissent des statuts juridiques les plus divers, de droit privé lucratif et non lucratif, ou de droit public. Ils sont soumis à déclaration d’existence (qui n’est pas à confondre avec un agrément). Leur activité est soumise au contrôle des pouvoirs publics. Ils sont par ailleurs soumis à des normes techniques de qualité.
Les entreprises sont des parties prenantes déterminantes aux différentes modalités de formation professionnelle en alternance. Il en va ainsi pour le contrat d’apprentissage, le contrat de professionnalisation, ainsi que la promotion et la reconversion par alternance (Pro-A). Ces trois dispositifs reposent sur une pédagogie qui combine des séquences de formation théorique délivrées par des dispensateurs de formation et la participation des apprenants au travail productif, encadré par des maîtres d’apprentissage ou des tuteurs. Les entreprises peuvent également développer depuis 2018 des modalités de formation en situation de travail (AFEST). Enfin, elles sont sollicitées pour la formation pratique d’une grande diversité de « stagiaires », élèves, étudiants, demandeurs d’emploi… qui sont liés à l’entreprise par une convention de formation conclue avec un établissement d’enseignement.
En plus d’être un lieu de formation, l’entreprise est aussi et principalement le lieu de la gestion individuelle et collective des compétences dont la formation professionnelle est une composante. Celle-ci est encadrée par des dispositions de droit individuel et collectif.
Au titre du droit individuel, la loi met à la charge de l’employeur une obligation d’adaptation des salariés à leur poste de travail, et de veille sur leur capacité à occuper un emploi, compte tenu de l’évolution des techniques et des organisations (C.trav., art. L. 6321-1). Une procédure d’entretien professionnel tous les deux ans et de bilan de parcours tous les six ans, permet d’assurer le suivi de ces obligations.
Le droit collectif de la gestion des compétences s’exprime à travers plusieurs modalités de dialogue social que sont l’information et la consultation du comité social et économique (CSE), ainsi que la négociation d’accords d’entreprise consacrés à la formation et plus largement à la GPEC. S’agissant de la compétence du CSE, la loi française n’a jamais « franchi le Rubicon » en lui accordant un pouvoir de décision ou de codécision en matière de formation professionnelle.
L’allocation des ressources
Les ressources financières allouées à la formation professionnelle continue obéissent à plusieurs qualifications et régimes juridiques. Elles sont composées de fonds publics inscrits au budget des principaux ministères concernés, des conseils régionaux et de Pôle Emploi. Les contributions des entreprises sont composées de fonds mutualisés collectés par l’Urssaf et réaffectées par France compétences au financement de la formation professionnelle en alternance, au plan de formation des entreprises occupant moins de 50 salariés, au financement du conseil en évolution professionnelle, et du compte personnel de formation. Par ailleurs, en application d’un accord de branche, les entreprises peuvent être tenues de verser à l’OPCO des contributions conventionnelles complémentaires. Au-delà de ces obligations légales et conventionnelles, celles qui le souhaitent peuvent « investir » sur leurs fonds propres pour le développement des compétences de leurs salariés. Enfin, les bénéficiaires peuvent également être conduits à contribuer au financement d’une formation, sur leurs fonds propres, soit en totalité, soit sous la forme d’un reste à charge. Ils peuvent aussi dans le cadre d’un « co-investissement » affecter du temps personnel au projet de formation. Au total, toutes sources de financement confondues, le budget de la nation consacré au financement de la formation professionnelle continue et de l’apprentissage représente de l’ordre de 29 milliards d’euros en 2022 (annexe au projet de loi de finances formation professionnelles pour 2023).
Universalité et diversité du droit d’accès à la formation professionnelle continue
La loi affirme le droit de toute personne, dès son entrée sur le marché du travail et jusqu’à la retraite, indépendamment de son statut, d’accéder à la formation professionnelle continue (C. trav., art. L. 6323-1 s.). Le CPF est emblématique de cette ambition universaliste. Les ressources disponibles sur le compte sont mobilisables à l’initiative de son titulaire, pour suivre une formation qualifiante ou certifiante inscrite au répertoire national de la certification professionnelle (RNCP). À la différence du congé individuel de formation porteur de valeurs émancipatrices et d’éducation permanente, le CPF a pour finalité de contribuer à la flexibilité du marché du travail. Sa gestion est assurée par la Caisse des dépôts et consignations (CDC).
Pour les travailleurs salariés, le CPF est alimenté par une contribution de l’employeur d’un montant de 500 euros par an, cumulable pendant 10 ans. Ce montant est porté à 800 euros pour certaines catégories de salariés (sans qualification, salariés à temps partiel, travailleurs handicapés…). Le salarié peut mobiliser les ressources du CPF pour suivre une formation à son initiative en dehors du temps de travail. Par ailleurs, la loi prévoit divers « abondements » : par la personne elle-même, par l’entreprise en application d’un accord de branche ou d’entreprise, par un OPCO, un conseil régional, Pôle emploi etc.. Il peut également s’engager dans une démarche « de co-investissement » avec l’employeur ou négocier une clause de « dédit formation ». Toutefois, à ce jour, « la prescription » par l’employeur demeure, la principale voie d’accès à une formation pour les salariés.
Les travailleurs salariés titulaires d’un contrat de travail de type particulier, associant un emploi et une formation, tels que le contrat d’apprentissage ou le contrat de professionnalisation bénéficient des dispositions spécifiques à ce type de contrat. Celui-ci encadre, d’une part leur rémunération et leur statut social, et d’autre part définit les obligations respectives de l’employeur et de l’apprenant en matière de formation.
Pour les travailleurs non-salariés (travailleurs indépendants, professions libérales exploitants agricoles…), l’accès à la formation est facilité par des fonds d’assurance formation de travailleurs non-salariés dont les ressources mutualisées proviennent de cotisations obligatoires de leurs ressortissants. L’accès au CPF est ouvert aux travailleurs non-salariés.
Les demandeurs d’emploi en formation, bénéficient du statut « de stagiaire de la formation professionnelle (C.trav., art. L.6 341-1 s.). Ce statut ouvre droit à une rémunération, et à la protection sociale. Il organise la vie collective des stagiaires dans les centres de formation. Les ressources du CPF peuvent également être mobilisées pour la formation des demandeurs d’emploi.
Le droit d’accès à la formation tout au long de la vie des différentes catégories de fonctionnaires et des agents des collectivités territoriales, ainsi que des élus de ces collectivités, est régi par les codes respectifs qui encadrent ces statuts. Le CPF leur est également ouvert.
La loi (C. trav., art. L. 6353-3) encadre l’accès à la formation pour toute personne qui souhaite se former à titre personnel, sur ses fonds propres, en dehors du temps de travail. Le dispensateur de formation et l’apprenant sont liés par un contrat de formation prévoyant des clauses obligatoires, telles qu’un délai de rétractation, une information sur les moyens pédagogiques mis en œuvre, le prix de la formation etc. Ce texte fait écho au droit protecteur du consommateur (C. conso., arti. L. 223-1).
Diversification des modalités de formation
À l’origine (loi de 1971), était le stage, transposition dans l’univers de la formation continue du modèle de la salle de classe caractérisé par l’unité de temps, de lieu et d’action, un programme prédéterminé identique pour tous, une durée de formation calculée « en heures stagiaires », qui est l’unité d’œuvre pour le financement et la gestion de toutes prestations de formation. Puis vint l’action de formation qui englobe le stage, mais prend également en compte la construction du projet en amont (bilan de compétences, ingénierie de formation…) et l’évaluation en aval. Depuis l’adoption de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, l’action de formation se définit comme « un parcours pédagogique permettant d’atteindre un objectif professionnel »(C. trav., art. L. 6313-1). Elle peut être réalisée en tout ou partie à distance. Elle peut également être réalisée en situation de travail ou prendre la forme d’une procédure de validation des acquis de l’expérience (VAE).
Reconnaissance des acquis de la formation
Alors que le parcours de formation initiale d’élève et étudiant débouchera sur un diplôme, garanti par l’État, il n’en va pas de même pour le parcours relevant du droit de la formation professionnelle continue. Celui-ci connaît une diversité de modalités de reconnaissance. La formation peut déboucher sur une simple attestation de présence sans effets juridiques directs, sur une certification professionnelle enregistrée au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) ou au répertoire spécial (RS). Celle-ci peut prendre la forme d’un diplôme ou d’un titre professionnel, garanti par l’État, d’un certificat de qualification professionnelle garanti par une branche professionnelle ou encore d’un ou plusieurs blocs de compétences, rattachables à l’un des trois supports juridiques évoqués ci-dessus.
Il y a lieu de distinguer les effets juridiques d’une certification professionnelle, en dehors de l’entreprise et en son sein. En dehors de l’entreprise, une certification professionnelle enregistrée au RNCP est opposable de plein droit à des tiers. À titre d’illustration, elle permet à son titulaire : de poursuivre des études conduisant à un niveau supérieur de qualification ; d’obtenir le niveau équivalent au titre du cadre européen des qualifications ; d’accéder à des métiers dont l’exercice est conditionné à l’obtention d’une certification donnée ; d’accéder à certains concours de la fonction publique ; d’accéder à la qualité d’artisan, d’artisan d’art ou maître artisan d’art par une chambre de métiers et de l’artisanat.
Au sein de l’entreprise, les effets juridiques d’une formation se caractérisent par leur relativité. La qualification contractuelle du salarié sera déterminée par les parties au contrat au moment de l’embauche, en prenant en compte les titres, diplômes et certificats professionnels en cohérence avec l’emploi occupé, tel qu’il est défini dans la grille de classification de la convention collective applicable. La perspective « de progresser d’au moins un niveau de qualification au cours de sa vie professionnelle » (C. trav., art. L. 61111-1) grâce notamment à la formation continue n’est pas opposable de plein droit à l’employeur. Celui-ci est en effet « seul juge de la capacité du salarié à occuper un emploi » (Cons. constit., Décision du 20 juill. 1988, n° 88-244 DC ; Soc. 19 oct. 1978, n° 77-41189), sous réserve du respect des stipulations de la convention collective, et notamment de la grille de classification applicable à l’entreprise.
Les deux composantes de la formation tout au long de la vie, que sont la formation initiale régie par le code de l’éducation, selon les principes d’un service public et la formation continue régie par le code du travail selon ceux d’un marché régulé, s’inscrivent dans des corpus juridiques aussi opposés que l’eau et le feu. Cette construction juridique ne facilite pas le continuum entre ces deux univers, pourtant appelé de ses vœux par le législateur. Il y a là un enjeu pour de futures réformes annoncées par les pouvoirs publics pour le quinquennat qui s’ouvre, notamment celle de la validation des acquis de l’expérience (VAE) et celle des lycées professionnels.
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Webographie
Décembre 2022